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apprendre par le cœur plutôt
qu’apprendre par cœur
« Apprendre par cœur, est-ce vraiment apprendre? »
La question semble vieille comme le monde, pourtant elle est toujours d’actualité.
Dans cet épisode, nous allons découvrir le point de vue de Montaigne sur la question, puis nous allons découvrir quelques-unes de ces propositions en matière d’éducation des enfants. Dans le chapitre 26 du Livre I des « Essais », Montaigne écrit pour Madame Diane de Foix, Comtesse de Gurson, qui attend un enfant.
Et en ce qui concerne l’apprentissage par cœur, Montaigne a un avis tranché sur la question:
« Savoir par cœur n’est pas savoir »
Dans son texte, Montaigne prend l’exemple du travail de l’estomac. « C’est témoignage de crudité et indigestion que de regorger la viande comme on l’a avalée. »
Pour lui, il est nécessaire que l’élève comprenne le sens et la substance de ce qu’il apprend, qu’il soit en mesure de l’utiliser dans d’autres situations.
L’élève doit pouvoir faire sien le savoir qui lui est transmis de sorte qu’il puisse l’utiliser à son propre compte à l’image des abeilles qui transforment en miel les fleurs qu’elles ont butinées.
Le chapitre 26 est lui-même le meilleur exemple de ce précepte. Montaigne connait et utilise les grandes figures antiques pour défendre son propos sur l’institution des enfants.
Au lieu de lui faire apprendre par cœur, le précepteur doit donc inciter l’élève à réfléchir par lui-même. Il doit lui montrer le chemin, mais il doit aussi parfois le laisser le découvrir par lui-même. Le précepteur doit être en mesure de se mettre au niveau de l’élève pour comprendre où celui-ci bloque dans sa compréhension, pour pouvoir ensuite l’aider à avancer…
Le précepteur doit aussi développer chez l’élève une curiosité: « Qu’on lui mette en fantaisie une honnête curiosité de s’enquérir de toutes choses ; tout ce qu’il y aura de singulier autour de lui, il le verra. »
Afin de développer sa curiosité et son expérience, Montaigne préconise le voyage: il permet à l’enfant de découvrir d’autres cultures, d’autres mœurs. Et tant mieux, si le voyage se fait dans un pays où les habitants parlent une langue étrangère à l’enfant: c’est une occasion unique pour l’enfant d’apprendre une autre langue… Plus on est jeune, plus il est facile d’apprendre une langue. A ce sujet, Montaigne nous parle de sa propre expérience du latin. Montaigne a été bercé dans le latin dès son plus jeune âge, ce qui lui a permis d’éviter le douloureux apprentissage de cette langue.
On constate que Montaigne souhaite que l’enfant ne reste pas enfermé mais soit déjà ouvert au monde très tôt. Et dans notre rapport au monde, Montaigne a remarqué ceci: lorsque nous rencontrons autrui, nous avons tendance à parler de nous plutôt qu’à découvrir l’autre. Pourtant, c’est en écoutant l’autre que l’on apprend. « Le silence et la modestie sont qualités très commodes à la conversation » nous explique Montaigne. Il faut écouter et respecter les opinions d’autrui. Il n’est pas recommandé d’étaler son savoir ou de convaincre son interlocuteur à tout prix.
Enfin, Montaigne fait l’apologie de l’apprentissage de la philosophie. D’après lui, la philosophie doit être la matière principale enseignée dès le plus jeune âge. Formatrice des jugements et des mœurs, la philosophie a l’avantage de pouvoir s’étudier de toutes les manières: La lecture solitaire d’un texte ancien permettra un éclairage sur une idée, mais la conversation avec autrui nous en apprendra tout autant…
Pourtant, à l’époque déjà, la philosophie a une image repoussante. Cela n’empêche pas Montaigne de la mettre au centre de son modèle éducatif: « On a grand tort de la peindre inaccessible aux enfants, et d’un visage renfrogné, sourcilleux et terrible ». Ainsi, Montaigne a un avis tranché à la question suivante: ne doit-on enseigner la philosophie qu’à partir de la classe de Terminale?
Comme on peut le voir, près de 500 ans plus tard, Le chapitre 26 du livre I des « Essais » intitulé « De l’institution des enfants » de Montaigne reste plus que jamais d’actualité…
J’espère vous avoir donné envie de vous plonger dans la lecture de ce chapitre, qui est accessible à tous.
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Pour cet épisode, je me suis inspiré de l’émission de Raphaël Enthoven : le Gai Savoir dédié à ce chapitre.
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