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Comme le dit l’universitaire et historien américain, Manning Marable : « L’Histoire est une chose étrange qui met les femmes et les hommes talentueux dans des situations qui les obligent à faire des choix.«
Rosa Parks revenait de son travail de couturière quand elle fut confrontée à un choix. Nous sommes en décembre 1955 et à cette époque, les bus de Montgomery, Alabama, sont divisés en trois sections : une pour les Noirs (au fond du bus), une pour les Blancs (à l’avant du bus) et une zone centrale qui peut être utilisée par les Noirs si elle n’est pas utilisée par un banc. En ce 1er décembre, Rosa Parks est assise dans la section centrale, et un Blanc arrive. Elle doit laisser sa place et rejoindre l’arrière du bus qui est bondé. Mais, Rosa Parks refuse de se lever! Rosa Parks est arrêtée par la police et condamnée à verser 14 dollars d’amende.
Rosa Parks n’est pas la première à faire preuve de désobéissance civile, mais cette fois, le mouvement prend de l’ampleur et un boycott généralisé des bus de Montgomery par les Noirs est organisé.
A la tête de ce boycott se trouve un jeune pasteur du nom de Martin Luther King Jr.
Malgré les menaces physiques qui pèsent en permanence sur lui (sa maison est dynamitée début 1956), Martin Luther King Jr fait le choix d’aller jusqu’au bout du combat. Plus d’un an après le début du boycott, la ségrégation dans les bus devient anticonstitutionnelle.
Après cette première victoire, Martin Luther King Jr va continuer à lutter contre les injustices raciales en refusant toute violence.
En août 1963, dans le cadre de la « Marche vers Washington pour le travail et la liberté », il prononce devant le Lincoln Memorial, l’un des discours les plus célèbres du XXème siècle : « I have a dream ».
Le lieu choisi est déjà fortement symbolique. Lincoln est l’homme qui a aboli l’esclavage en 1862, tout juste cent ans avant le discours. De plus, le Lincoln Memorial est situé à quelques centaines de mètres de la Maison-Blanche et du Congrès Américain.
Dans son discours, Martin Luther King Jr commence par décrire la réalité sans en atténuer sa dureté:
« Il y a un siècle de cela, un grand Américain, qui nous couvre aujourd’hui de son ombre symbolique signait notre acte d’émancipation. Cette proclamation historique faisait, comme un grand phare, briller la lumière de l’espérance aux yeux de millions d’esclaves noirs marqués au feu d’une brûlante injustice. Ce fut comme l’aube joyeuse qui mettrait fin à la longue nuit de leur captivité.
Mais cent ans ont passé et le Noir n’est pas encore libre. Cent ans ont passé et l’existence du Noir est toujours tristement entravée par les liens de la ségrégation, les chaînes de la discrimination; cent ans ont passé et le Noir vit encore sur l’île solitaire de la pauvreté, dans un vaste océan de prospérité matérielle; cent ans ont passé et le Noir languit toujours dans les marches de la société américaine et se trouve en exil dans son propre pays. »
Martin Luther King Jr refuse le statu quo et souhaite voir la situation évoluer.
« Il est aujourd’hui évident que l’Amérique a failli à sa promesse en ce qui concerne ses citoyens de couleur. Au lieu d’honorer son obligation sacrée, l’Amérique a délivré au peuple noir un chèque sans valeur; un chèque qui est revenu avec la mention « Provisions insuffisantes ». Nous ne pouvons croire qu’il n’y ait pas de quoi honorer ce chèque dans les vastes coffres de la chance en notre pays. Aussi sommes-nous venus encaisser ce chèque, un chèque qui nous fournira sur simple présentation les richesses de la liberté et la sécurité de la justice. »
Mais pour obtenir ce changement, Martin Luther King Jr ne fait aucune concession sur ces valeurs. Martin Luther King Jr est un adepte de la non-violence et demande à tous de respecter ces valeurs.
« Mais, il est une chose que je dois dire à mon peuple, debout sur le seuil accueillant qui mène au palais de la justice : en nous assurant notre juste place, ne nous rendons pas coupables d’agissements répréhensibles.
Ne cherchons pas à étancher notre soif de liberté en buvant à la coupe de l’amertume et de la haine. Livrons toujours bataille sur les hauts plateaux de la dignité et de la discipline. Il ne faut pas que notre revendication créatrice dégénère en violence physique. Encore et encore, il faut nous dresser sur les hauteurs majestueuses où nous opposerons les forces de l’âme à la force matérielle. »
Enfin Martin Luther King Jr partage sa vision, son rêve:
« Je vous le dis ici et maintenant, mes amis : même si nous devons affronter des difficultés aujourd’hui et demain, j’ai pourtant un rêve. Je rêve que, un jour, notre pays se lèvera et vivra pleinement la véritable réalité de son credo: « Nous tenons ces vérités pour évidentes par elles-mêmes que tous les hommes sont créés égaux. »
Je rêve que, un jour, sur les rouges collines de Géorgie, les fils des anciens esclaves et les fils des anciens propriétaires d’esclaves pourront s’asseoir ensemble à la table de la fraternité.
Je rêve que, un jour, l’Etat du Mississippi lui-même, tout brûlant des feux de l’injustice, tout brûlant des feux de l’oppression, se transformera en oasis de liberté et de justice. Je rêve que mes quatres petits enfants vivront un jour dans un pays où on ne les jugera pas à la couleur de leur peau mais à la nature de leur caractère. J’ai aujourd’hui un rêve !
Je rêve que, un jour, même en Alabama où le racisme est vicieux, où le gouverneur a la bouche pleine de mots « interposition » et nullification », un jour, justement en Alabama, les petits garçons et petites filles noirs, les petits garçons et les petites filles blancs, pourront tous se prendre par la main comme frères et soeurs. J’ai aujourd’hui un rêve!
Je rêve que, un jour, tout vallon sera relevé, toute montagne et toute colline seront rabaissées, tout éperon deviendra une plaine, tout mamelon une trouée, et la gloire du Seigneur sera révélée à tous les êtres faits de chair, tous à la fois.
Telle est mon espérance. Telle est la foi que je remporterai dans le Sud. »
Martin Luther King Jr, avec notamment ce discours, a influencé (et continue d’influencer) les luttes contre les injustices raciales. En 1964, Martin Luther King Jr remporte le prix Nobel de la Paix. A tel point que, depuis 1986, l’anniversaire de Martin Luther King est devenu un jour férié aux Etats-Unis.
Je vous invite à regarder le discours en entier en cliquant ici.
En ce qui concerne la traduction du discours en français, je me suis servi de celle du livre de Christophe Boutin : « Les grands discours du XXème siècle« .